Qu’un homme politique ait accompli de grandes choses ou pas, au moment où il quitte le monde des vivants, il est enseveli sous quantité d’hommages. Même ceux qui l’ont âprement combattus doivent se soumettrent à cette convention et chanter ses louanges. Pourtant personne n’est dupe. Surtout quand les panégyriques contrastent trop avec la réalité.
La presse a elle aussi manié l’encensoir. Au point de déclencher des sourires à la lecture d’articles dont l’objet n’était pas d’amuser la galerie. Ainsi Vincent Couture dans L’Indép présente Christian Bourquin comme « Le phare politique des Catalans ». Un journaliste peut toujours se laisser emporter par sa plume. Mais en relisant son papier, les responsables de la rédaction auraient pu tempérer ses ardeurs.
Mais personne n’est allé aussi loin que Bruno Delmas dans son hommage titré « Adieu l’ami », il réussit le tour de force de parler davantage de lui que du défunt. Et il se taille une stature aussi grande que celle qu’il prête à Christian Bourquin. Une véritable auto-célébration.
Bruno Delmas tient à partager avec Christian Bourquin la conquête du conseil général en 1998 : « J’ai eu le privilège de participer – activement – à ses débuts. Ces moments furent exceptionnels à plus d’un titre : nous avons accompli des choses que d’aucuns croyaient impossibles (gagner le département) »… « A quelques mois des élections cantonales de mars 98, nous étions encore tous les deux seulement à croire au renversement du conseil général. » … « La veille de son élection, j’écrivais son premier discours de président, chez lui à Millas, jusqu’à quatre heures du matin. »
Les deux hommes étaient incontestablement animés par un esprit de conquête. Ils sont tous les deux de la race des guerriers. Mais en politique, bien qu’elle soit très utile l’audace ne suffit pas. Il faut aussi avoir de la chance. Cette chance se nomme Alduy. Voulant détruire le RPR de Claude Barate, il a présenté des candidats qui ont fait chuter plusieurs sortants de droite. Même schéma trois ans plus tard en 2001, ce qui permettra à Christian Bourquin de renforcer sa majorité.
Passons sur les trois années pendant lesquelles Bruno Delmas est le directeur de cabinet de Christian Bourquin dont il se montre l’alter-ego. En 2001, c’est le clash entre les deux hommes. Soutenu par Jacqueline Amiel-Donat et Pascal Provencel, Christian Bourquin congédie Bruno Delmas. Il a eu besoin de cette personnalité forte et brillante pour conquérir le pouvoir mais à présent il lui fait de l’ombre et il risque de lui en faire davantage car il a des ambitions politiques, notamment celle de devenir député en prenant la place d’Henri Sicre.
A partir de là, s’ouvrent plusieurs années de conflit très dur. Notamment au sein de la fédération du PS. Et c’est Bruno Delmas qui fournit les munitions qui débouchent sur des enquêtes judiciaires et sur les deux condamnations de Christian Bourquin par un tribunal correctionnel dans l’affaire du chèque aussi appelé affaire du chauffeur et dans l’affaire de favoritisme au profit de Pascal Provencel, patron de l’agence de publicité Synthèse.
Voici maintenant comment Bruno Delmas présente sa séparation avec Bourquin : « Mon départ provoqua un déferlement de colère de sa part et ses partisans crûrent bon, même sans son accord, de faire de moi l’ennemi à abattre, l’homme qui a fait et peut défaire, celui qui connaît tous les secrets et peut menacer l’édifice… La paranoïa l’a emporté sur la raison. Mais la vie a suivi son cours et, vous le croirez ou non, nos routes ne se sont plus jamais croisées pendant treize longues années. »
Pour avoir suivi de près les affaires judiciaires qui empoisonnaient Christian Bourquin nous n’avons jamais eu l’impression que ce dernier ressente autre chose que de la haine pour son ancien collaborateur.
Bruno Delmas ne voit pas les choses ainsi : « Christian Bourquin respectait les guerriers et ne nourrissait jamais de haines recuites : il maintenait leur légende car il mesurait sa force à leur résistance et, une fois, la poudre dissipée, il s’empressait de manifester sa paix à ceux qu’il avait combattu auparavant. »
Bruno Delmas termine son hommage en évoquant une fortuite et brève rencontre et en expliquant qu’il avait conservé l’amitié de Christian Bourquin. Il est permis d’en douter.
Bruno Delmas utilise également Christian Bourquin pour justifier son évolution politique et son positionnement actuel : « Je défends les valeurs progressistes au sein de l’UMP. Au fond, je n’ai pas beaucoup varié des idées que nous nous faisions l’un et l’autre de la politique à mener… Au PS, nous étions déjà classés comme des gens de droite. »
Bruno Delmas a succédé à Eric Besson (ministre de l’identité nationale sous Sarkozy) à la présidence des Progressistes, minuscule formation associée à l’UMP ayant vocation à réunir et organiser des personnes de gauche ayant rallié Nicolas Sarkozy. A ce titre, Bruno Delmas siège chaque mercredi au bureau politique de l’UMP. Les Progressistes soutiennent le retour de Sarkozy.
Localement, Bruno Delmas ne participe pas à l’activité de l’UMP. A la tête de L’Olivier, formation départementale qu’il a créé en 2013, il se paie même le luxe de mener la fronde contre le projet de centre commercial Le Carré d’or en ne laissant pas passer une occasion de tacler le maire UMP de Perpignan.
Voilà qui est dit.
En toute amitié bien sûr !
Fabrice Thomas
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