« ……. Les choses ont évolué plus que très défavorablement jusqu’à Montpellier où j’ai été entendu par un ténor du barreau, pour une affaire immobilière sur Saleilles où Rallo a magouillé. « Monsieur 10% », comme on le surnomme «affectueusement». Cette phrase au milieu d’un petit paragraphe entre guillemets est de Jean-Michel Erre, ancien maire de Saleilles et vise directement et exclusivement, François Rallo, actuel maire de cette même ville. C’est cette petite phrase qui fait l’objet d’une procédure en diffamation.
Dans cette affaire, trois ténors du barreau font s’affronter, Jean Codognès, brillant et contondant, outré, choqué, par de telles pratiques en politique, il représente le maire visé dans l’article. « Ce n’est pas de la liberté d’expression … ce genre de propos relayés par des sites sans déontologie propage la rumeur qui est autant violence … qu’une atteinte pernicieuse à la démocratie ». Me Bruno Fita, précis, clair, jamais un mot de trop, excellent expert en droit du travail, le plus complexe de toute la législation française et Me Favre, grandiloquent, une défense à l’ancienne, celle des vieux films en noir et blanc avec des revers de manche, des trémolos dans la voix. Il commencera et terminera sa plaidoirie en citant Voltaire. De la tradition pure au service des prétoires.
Mais cette défense, parfois peut-être trop théâtrale, ne doit pas faire oublier qu’elle est parfaitement structurée, reposant sur des jurisprudences et sur la subtilité de la loi sur la diffamation. Me Favre s’est livré à un vrai cours de droit. Un autre avocat était présent, parmi le public, au fond de la salle, il s’agissait de Louis Aliot, vice-président du Front National accompagné d’un militant. Lorsque Me Codognès demandera à ce dernier, ce qui les intéresse dans ce dossier. Il répondra : « Nous ne sommes pas là en tant que Front National, mais pour soutenir notre grand ami Luc Malepeyre. » Une amitié sincère, car ils perdront une après-midi entière pour assurer ce soutien.
Luc Malepeyre est le premier des prévenus, après un long passage au Conseil Général au cabinet de la présidence du conseil général, il pourrait faire son entrée prochaine à la mairie de Perpignan, au service de Jean-Marc Pujol. Luc Malepeyre est visé par la plainte en diffamation, car cette petite phrase de Jean-Michel Erre, a été publiée dans le journal en ligne, Ouillade.eu. Pour tout un chacun à Perpignan, ce site ne porte qu’un seul nom : Luc Malepeyre. Mais c’est sans compter, Me Fita qui se fera un plaisir de contredire Me Codognès sur ce point. Selon Me Fita, Luc Malepeyre aurait écrit sur Ouillade.eu depuis sa création, en tout et pour tout, onze articles, les onze signés de son nom. Et toujours selon son Conseil, Luc Malepeyre, après 28 ans au Midi Libre et autant de contacts et d’informateurs, ne serait pour le site Ouillade, qu’un « rabatteur d’informations », rien d’autre. Le propriétaire et administrateur du site serait une tierce personne, dont le nom sera très soigneusement tu par Me Fita, tout le long de sa plaidoirie.
Vérification faite, Ouillade appartient à la société « Le Mot de la fin » dont 100% des parts sont propriétés de Luc Malepeyre qui en est aussi le gérant. Quant au site « Ouillade.eu », il n’y est fait mention que d’un seul « Responsable éditorial » c’est Luc Malepeyre accompagné de son adresse personnelle. Me Favre, à son tour et pour défendre Jean-Michel Erre, va faire exclusivement du droit. En matière de diffamation, va-t-il marteler, il faut faire attention à ne jamais porter atteinte à un droit fondamental de notre République : la liberté d’expression.
En aucun cas, le juge ne peut interpréter le texte incriminé, lorsqu’il est écrit M. 10%, rien ne précise qu’il s’agisse d’une rétribution sur l’acquisition de marchés, une rétro commission ou un retour d’enveloppe. Il pourrait s’agir, par exemple, d’un pourcentage électoral. Me Codognès est hilare. Il a peut-être tort de se réjouir, le législateur est clair, le président Jean-Luc Dooms et ses assesseurs ne devront en aucun cas se livrer à la moindre interprétation de cette phrase, mais au contraire la prendre exactement au premier degré.
En revanche, le mot « magouillé » sera peut-être plus problématique pour Jean-Michel Erre. Ce dernier ne donnant aucune preuve que le maire ait « magouillé » sur une affaire d’urbanisme. Ouillade.eu, homonyme d’une excellente recette catalane, qui, bien qu’à base de cochon, ne méritait pas d’être mêlé à de la politique fut-ce-telle, elle aussi« ben porquejada », comme on dit en catalan ! Résultat du délibéré le 24 octobre à 14 heures. Joan-Miquel Touron