Notables, trublions et filous : le magistral livre politique de Jacques Molénat

S’il connaît son sujet ? Cela fait des décennies que le grand journaliste politique du Languedoc-Roussillon observe à la loupe le marigot des pouvoirs (titre de son précédent livre). Celui qui vient de sortir, « Notables, trublions et filous » est constitué d’une cinquantaine de portraits d’hommes et de femmes politiques de notre région sur lesquels il a écrit pour L’Evènement du Jeudi, pour Marianne, pour Le Canard Enchaîné, pour La Gazette de Montpellier, pour La Lettre M et pour L’Express.

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Nous avons commencé par lire le portrait de Robert Ménard. Jacques Molénat est un des quatre journalistes qui ont fondé Reporters Sans Frontières en 1985 à Montpellier. C’est dire s’il connaît bien le nouveau maire de Béziers : « Un narcissique qui vivrait dans la douleur de passer inaperçu. » La vanité peut conduire au meilleur et au pire.

Chaque personnalité est parfaitement cernée et mise en relief par des anecdotes bien choisies. Et d’un mot qui sert de titre au portrait, Molénat détache le trait dominant de chacun de ses personnages : Le florentin, pour Alduy ; Le bagarreur pour Christian Bourquin, L’hédoniste pour Jean Codognès, L’insurgée pour Monique Bilalte, L’Insoumis pour Christian blanc et Le flibustier pour Alain Ferrand. Les six catalans du livre.

Jean-Paul Alduy, est lui aussi un grand narcissique. Mais quel politique ne l’est pas ? « Le cœur à gauche, engagé au centre, allié à l’UMP, Jean-Paul Alduy est un libéral libertaire flamboyant qui a longtemps réussi à embobiner la droite catalane. » Il n’est pas non plus le seul à avoir fait passer la conquête et la conservation du pouvoir avant les idées et les principes. L’électoralisme est en politique le père de tous les vices.

On retrouve Christian Bourquin tel qu’il était. Notamment avec cette saillie assassine de JPA : « Bourquin ? C’est la copie ratée du maître : la brutalité de Georges Frêche, l’intelligence et la culture en moins… » Dur ! Trop dur, mais tellement vrai !

Jean Codognès ne pourra que se reconnaître dans son portrait : « Cet homme rond et affable goûte les joutes politiques. Mais il aime tout autant, peut-être même davantage, son métier, la bonne chère, les bons vins, la conversation, les mille plaisirs de l’existence. C’est sa force : dans une classe politique catalane régie plus qu’ailleurs par les habitudes de l’arrangement, du clientélisme et du clanisme, Codognès se montre peu enclin à la recherche effrénée du pouvoir. Libéré de cette addiction, il affiche du même coup une rare indépendance, une rafraîchissante liberté d’allure et de propos enveloppée d’un humour de bon aloi. » Mais celui que Martine Aubry surnommait « Mon petit lapin » à l’époque où député il était proche de la ministre de l’emploi et des affaires sociales, peut être un adversaire redoutable. Avec Guy Fourcade et quelques autres, l’avocat fut le bras armé d’un combat qui fit tomber le puissant Jacques Farran, alors président de la CCI, député UDF, maire-adjoint de Perpignan, vice-président du conseil général et important actionnaire de L’Indépendant au travers son épouse.

Beaucoup se demanderont qui est Monique Bilalte. C’est l’auteur de Saint Béton, en 3 volumes : « Quelques 1 500 pages de révélations sur la corruption ordinaire en Catalogne française ». Des ouvrages publiés dans les années 1990 par celle qui était entrée « en guerre contre les magouilles des notables et les passe-droits des profiteurs. »

Dans son portrait du maire du Barcarès, Molénat s’intéresse aux diverses raisons qui ont conduit, Alduy, Bourquin et Calvet à pactiser avec Alain Ferrand plutôt qu’à se tenir loin de cet élu dont la vie est un long feuilleton judiciaire ponctué de gardes à vues, d’auditions par les policiers et les juges, de convocations au tribunal correctionnel et de séjours en prison.

Mais s’il y a Ferrand, il y a aussi son contraire. Beaucoup seront ravis de retrouver Christian Blanc. Le champion de la lutte contre la Septimanie mais surtout le maire des Angles à propos duquel Jean-François Kahn écrit dans la préface : « Ainsi, Christian Blanc, maire de la station de ski des Angles, qui a su résister au féodalisme régional représenté tout à tour par Frêche et Christian Bourquin, puis mission accomplie, s’est retiré sur la pointe des pieds. » Christian blanc a aussi résisté à la privatisation de la station : « Quand, un à un, les maires de stations touristiques cèdent leurs services à des entreprises privées, Christian Blanc prend ce tropisme à rebrousse-poil. Il s’attache à mettre en place un modèle de gestion publique… L’entreprise publique qu’est devenu le village tourne rond. Cinq cents emplois ont été créés en quinze ans. »

Jacques Molénat a fait quelques incursions hors du Languedoc-Roussillon ce qui nous vaut un portrait de Jean-Michel Baylet, « Le seul notable de l’hexagone à être à la fois patron de presse et chef de parti. » Le propriétaire de La Dépêche, depuis qu’il a racheté le groupe Midi-Libre, se retrouve à la tête d’un groupe de presse dont la zone de diffusion épouse les contours de la nouvelle région. Si la famille Baylet a toujours mis son journal au service de ses combats politiques, cela n’a pas empêché Jean-Michel Baylet de subir de sérieux revers dans le Tarn-et-Garonne, département qu’il tenait sous sa coupe. En 2014 il a perdu son siège de sénateur et l’année suivante la présidence du département. Le système Baylet a été rejeté par une coalition hétéroclite d’élus de droite, du centre et de gauche.

A la qualité de sa documentation, à sa bonne connaissance du personnel politique et des ressorts de ce microcosme, Jacques Molénat ajoute, et c’est essentiel, une plume riche qui connaît tous les degrés de la nuance. Il ne sombre jamais dans la caricature, il ne s’abandonne jamais à la facilité du portrait à charge ou du portrait trop élogieux pour être vrai. Il est sans haine et sans complaisance.

Pour Jean-François Kahn c’est un livre : « à la fois vrai et cruel, sur le monde politique français, vu à travers le prisme d’une région où la professionnalisation de la politique, sa pragmatisation, trop souvent aux dépens des valeurs et des principes, a atteint son paroxysme. »

Fabrice Thomas

Notables, trublions et filous. Editions Chabotdulez. 300 pages. 18 €. En vente à la librairie Torcatis et à librairie Cajelice.

Contact : c.politique@orange.fr

Passerelle sur la Têt : quand le vent soufflera la bêtise repartira !

Qui n’a pas entendu dire ou n’a pas lu sur internet que la passerelle piétonne sur la Têt devrait être fermée les jours de forte tramontane ? Rarement rumeur perpignanaise n’aura pris une telle ampleur.

La rumeur est presque aussi ancienne que le projet. Cela fait des années qu’il se dit qu’il y aura, les jours de grand vent, des problèmes pour circuler sur la passerelle. Avec l’avancement du projet, il est devenu certain qu’il faudrait interdire son accès quand notre tramontane soufflera trop fort. A partir de quelle vitesse ?

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Bruno Delmas a donné la réponse dans Capital diffusé sur M6, dimanche 17 mai : « Au-delà de 80 km/h de vent elle ne sera pas libre de circulation pour les piétons. Chez nous il y a à peu près 120 jours par an où il y a du vent. Donc cette passerelle, elle risque de ne pas être utilisée 1/3 de l’année. »

Fichtre ! Les architectes,  les professionnels du BTP et nos décideurs sont-ils aussi mauvais que ça ?

Du côté de la ville de Perpignan et de l’agglo, la question sur la tramontane fait sourire. Manifestement techniciens et élus sont sereins. Pas de problème avec le vent. Et les usagers peuvent être rassurés car avant d’être mise en service la passerelle sera, comme il se doit, contrôlée par différents organismes spécialisés.

Fabrice Thomas

PS : On entend aussi dire et on lit que la passerelle n’est pas à l’abri des inondations. Sauf qu’en se rendant sur place on constate, vu sa hauteur, que le jour où les piétons qui l’empruntent risqueront d’avoir les pieds dans l’eau, la moitié de la ville sera noyée.

Le coût généralement arrondi à 6 millions d’euros se décompose de la façon suivante :

Marché Travaux Fondeville : 5 315 640 € TTC

Marché Moe Architecte (Mimram/Egis) 300 000 € TTC

Csps Socotec (contrôle technique) 3 832 €

Dekra (contrôle technique 15 410 €

Contrôle divers (Levés topos, soudures, compactage) 8 202 €

Etude hydraulique / avifaune 7 320 € TTC

Divers (ERDF) 2 193 € TTC

Total 5 652 600 € TTC

Contact : c.politique@orange.fr

Sombre constat de la Chambre régionale des comptes : les collégiens des P-O sacrifiés !

Il y a abondance de sujets à traiter dans le rapport de la Chambre régionale des comptes sur la gestion du conseil général.

On y trouve nombre d’observations déjà formulées dans le rapport de 2008. Notamment sur les excès de l’institution départementale en matière de communication. Les dépenses de com sont de 7,08 € par habitant alors que la moyenne des départements de la région est 3,95 €.

Le département dépense beaucoup pour les routes (et les ronds-points), 95 € par habitant contre 55 €, en moyenne au niveau national. Mais c’est au détriment des collèges qui sont carrément sacrifiés. En 2012, le département a dépensé 1,3 million € alors que des crédits étaient ouverts pour 4,8 millions €. Au regard de la situation matérielle de nombreux collèges du département, ce constat devrait alarmer les parents d’élèves, les habitants et les élus.

Citons le rapport : « En comparaison nationale, les dépenses scolaires représentaient sur l’exercice 2012, 275 € par collégien (205 € en 2011), soit près que deux fois moins que la moyenne régionale (entre 353 € et 782 € selon les départements) et que la moyenne nationale de 643 € par collégien (706 € en 2011). »

Chaque année, le conseil général annonce des objectifs ambitieux en matière d’équipement, de rénovation et de construction des collèges. Mais il y a loin entre les discours qui sont tenus lors du vote du budget et la réalisation effective.

La presse devrait réfléchir à son rôle. Plutôt que de relayer année après année des effets d’annonce loin de la réalité, elle devrait mettre le nez dans le compte administratif pour voir ce qui a été réalisé et ce qui ne l’a pas été. C’est simple à faire.

Fabrice Thomas

Contact : c.politique@orange.fr