Deux pages de L’Indépendant (9 décembre) sur la tentation FN des Gitans de Perpignan et pas un mot sur la rencontre entre des chefs Gitans et Jean-Marie Le Pen au cours de l’été 2005 après les émeutes du mois de mai. Mais s’il n’y avait que ça !
Le parti d’extrême-droite n’a pas attendu les municipales de 2014 pour s’intéresser aux Gitans. En plus, les deux journalistes ne disent rien de la première raison qui rend le FN sympathique aux Gitans. C’est par rejet des Maghrébins. Les Gitans de Saint-Jacques et ceux de Millas sont sensibles au discours d’un FN qui leur dit qu’ils sont Français. C’est pour eux très important car ils se projettent beaucoup dans une relation Gitan/Arabe. Surtout depuis les émeutes.
Le dossier est composé de deux articles. Le premier, signé de José Lozano, directeur de L’Indépendant, titre : « Gitans de Perpignan un électorat toujours convoité ». Il y a une première erreur dans le chapeau : « Le vote des Gitans ne seraient pas déterminant dans les élections locales de Perpignan… » Faux ! En 2012, c’est grâce à une mobilisation sans précédent de la communauté gitane que le maire socialiste de Canohès, Jean-Louis Chambon a pu ravir à la droite ce canton qu’elle avait toujours détenu. Mais de cela il n’en est pas question. Comme il y a quelques mois dans la revue Ruixat, le clientélisme c’est les Alduy. Et bien non. Pas seulement. Les Bourquinistes ont, grâce au conseil général, super centre social de distribution des minimas sociaux réussi à prendre le contrôle électoral de Saint-Jacques.
Il est donc inexact d’écrire que le système clientéliste a explosé dans les années 1990. « En cause, écrit José Lozano, l’arrivée des drogues dures et un délitement profond du système patriarcal. Autre difficulté pour les Gitans “ rentrer “ à la mairie devenait plus difficile avec l’arrivée de “ concurrents “ issus d’autres communautés. » Vision totalement erronée. Au cours de cette décennie, Henri Carbonell, maire-adjoint de JPA était conseiller général du canton de Saint-Jacques.
Il faut demander à Claude Barate, lui qui s’est présenté sur le canton après l’invalidation d’Henri Carbonell, s’il avait observé la disparition du clientélisme. Ce dernier a présenté son épouse, Madeleine, qui, ce n’est pas lui faire injure de le dire, était loin de tout ça et n’y comprenait pas grand chose. Elle a toutefois été élue comme une fleur.
En 2012, les Bourquinistes ont mis le paquet. En aides sociales, en subventions à des associations. Les évangélistes, seul groupe structuré de Saint-Jacques, ont du y trouver leur compte.
M. Lozano ignore-t-il tout ça ? Il semble surtout ne pas vouloir froisser le plus important annonceur de L’Indépendant. Le puissant Bourquin.
Toujours un peu sur de lui, Pierre Parrat, le candidat UMP, a sous-estimé le Parti Socialiste et pensé qu’il pouvait succéder à Henri Carbonell sans faire de surenchère. Il ne pouvait toutefois pas mettre sur la table autant que le camp d’en face. Il s’est fait laminer par le puissant rouleau compresseur Bourquiniste.
Bourquin a, en personne, commencé à travailler le quartier à la fin des années 1990. Il y venait souvent. Situé sur la circonscription qu’il avait conquis puis plus tard voulait reprendre à François Calvet, le canton de Saint-Jacques était un réservoir de voix qu’il convoitait particulièrement. Et François Calvet s’appuyait sur Henri Carbonell a qui il donnait un salaire d’attaché parlementaire.
C’est un peu énervant de lire un papier qui n’a rien à voir avec la réalité, parce que manifestement la réalité, José Lozano ne s’y est pas intéressé.
Comment a-t-il pu faire l’impasse sur le fait que Saint-Jacques vivait d’aides sociales ? D’aides sociales dont le conseil général est le guichet. Dans la réalité, on est loin d’un quartier « abandonné des hommes, des dieux et quelquefois disent ses habitants de la police. » Loin de ce cliché misérabiliste. Y a-t-il sur la planète beaucoup d’endroits où se déverse autant d’argent public ? Tous les minimas sociaux, les allocations diverses, variées et par toujours dues (allocation de parent isolé), la CMU qui assurent un haut niveau de soins de santé, les crédits injectés dans la rénovation et la réhabilitation des maisons et des immeubles… Quant à la police elle pourrait peut-être faire faire mieux, mais sans son travail, il y a longtemps que le quartier serait à feu et à sang. Les habitants du quartier ne devraient d’ailleurs jamais oublier un dimanche soir de mai 2005. Si la police n’avait pas été sur place dans les instants qui ont suivi le deuxième meurtre quand le quartier a été attaqué par des centaines de personnes d’origine maghrébine, le massacre était assuré.
On ne fait pas du journalisme avec des ragots. Et dans ce domaine le second papier, signé Isabelle Bley, n’est pas mieux que le premier. Il est entièrement constitué de propos anonymes. Il s’en dégage certes plus de vérité. Par exemple : « Nous n’avons pas de parti. On va continuer avec ceux qui vont nous aider. On votera pour le plus offrant. »
Faire du journalisme ce n’est pas non plus plaquer des stéréotypes idéologiques sur une situation quelle qu’elle soit. Tout le monde parle de l’état de vétusté des maisons. Il y a quinze jours de cela nous sommes entrés dans un petit immeuble de trois étages comptant plusieurs appartements. Il est dans un état de dégradation épouvantable. Impossible d’imaginer qu’il avait entièrement été rénové il y a une dizaine d’années. Nous avons déjà ici évoqué la rénovation des appartements des HLM de la place du Puig en 2000. Dix ans après, l’Etat a remis des crédits importants sur cette cité. Pour quoi faire ? Pour refaire tous les logements.
Que le FN, lui qui est obsédé par la dénonciation du communautarisme, vienne chercher sa part du gâteau électoral gitan n’étonnera personne. Flatter le communautarisme gitan lui rapportera sans doute quelques voix. Louis Aliot est un camelot comme les autres.
Nous avons dans cet article eut droit aux poncifs sur la drogue qui tue la communauté gitane. Ce n’est pas ça qui tue les Gitans. Ce qui les tue c’est la déscolarisation massive qui fabrique des individus primaires et frustrés, des associaux, des délinquants. Mais ça personne ne le dit. Et pour cause. Ce n’est pas avec ça que l’on attrape les voix gitanes.
Mais un jour peut-être, un homme, une femme, se lèvera et dira au Gitans : « Mettez vos gosses à l’école sinon on vous coupe les vivres. » Quand tous les enfants du quartier iront à l’école, les Gitans sortiront d’un assistanat destructeur et ils retrouveront leur dignité d’hommes.
En attendant, Saint-Jacques est le miroir de nos abandons moraux et politiques. Fabrice Thomas
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