Nous avons lu, avec un double intérêt Dans l’ombre de Le Pen, Une histoire des numéros 2 du FN. Un livre écrit par Joseph Beauregard et Nicolas Lebourg, un jeune et brillant universitaire perpignanais, historien de l’extrême-droite. Et puis, parmi les numéros 2 du FN, il y a un certain Louis Aliot.
Le premier chapitre est consacré à Victor Barthélémy, ancien numéro 2 du PPF de Doriot, parti fasciste et jusqu’au-boutiste de la collaboration avec le III e Reich. Il a également participé à la création de la LVF (Légion des Volontaires Français) composée de français qui ont combattu sous l’uniforme allemand. Viennent ensuite, François Duprat auquel Lebourg a consacré une biographie remarquée, puis Jean-Pierre Stirbois, Bruno Mégret, Carl Lang, Bruno Gollnisch et enfin Louis Aliot.
Et Florian Philippot ?
Beauregard et Lebourg prennent acte de la place conquise par le nouveau venu : « Le 9 juillet 2012, Marine Le Pen fait nommer Florian Philippot vice-président en charge de la stratégie et de la communication. Le jeune énarque a donc peu ou prou obtenu ce que n’avait eu aucun numéro deux, la fusion sous son autorité de prérogatives relevant de la présidence, du secrétariat général et de la délégation générale ». Mais les auteurs ne poussent pas plus loin. On aurait aimé apprendre dans quelles conditions et pourquoi Louis Aliot avait été débarqué.
Successeur de Bruno Gollnisch, Louis Aliot n’aura donc occupé la place de numéro 2 du FN que pendant 19 mois. Au sein du bureau exécutif qui compte 9 membres Louis Aliot se contente désormais de « La formation et des manifestations »
En observant la surface des choses, on a bien remarqué, que pendant les campagnes de la présidentielle et des législatives, Florian Philippot avait crevé l’écran. A chacune de ses apparitions à la télé, le FN a marqué des points. Vif et combattif, il avait des arguments bien ficelés qui faisaient mouche. Orateur moyen, Louis Aliot n’est, en plus, pas un bon débateur. On l’a souvent, trop souvent, vu mal à l’aise et en difficulté face aux journalistes et à ses contradicteurs. Il y a, entre les deux hommes une grosse différence de pointure. Aliot se fait à présent rare dans les médias nationaux alors que celui qui l’a détrôné y est omniprésent avec un autre bon client des médias, l’avocat Gilbert Collard.
La réponse à certaines questions se trouve peut-être dans le chapitre de conclusion et dans les quelques pages consacrées « aux jeunes hommes gays qui forment l’un des premiers cercles de Marine Le Pen ». Elles ne vont pas passer inaperçues. Le sujet est assez brutalement amené par le biais d’une conversation que Roger Holeindre a eu avec Jean-Marie le Pen lorsqu’il a présenté à ce dernier les causes de sa démission : « Parce que ta fille à qui t’as donné le parti ne représente plus le parti, ne représente plus mes idées, pas plus d’ailleurs que les tiennes. En plus elle ne s’est entourée que de pédés et ça ne me plait pas. Moi, je suis pour les quotas dans la vie, et là le quota a été dépassé puisque dans son entourage il y a 15 ou 20 types homosexuels dont beaucoup sont en ménage entre eux. »
Beauregard et Lebourg justifient toutefois pleinement leur choix d’aborder un sujet aussi délicat : « La question de l’homosexualité de proches de la nouvelle présidente pose des questions politiques, pour son milieu comme pour la compréhension de celui-ci. L’opposition interne à ces jeunes hommes gays qui forment l’un des premiers cercles autour de Marine Le Pen n’est pas réductible à l’homophobie… Est mis en cause la construction d’un “lobby gay“ au sein du FN, où les places de cadres seraient alloués aux amis… Le parti a placé la défense de la République contre les communautarismes au centre de son discours. L’idée d’un “communautarisme gay“ en son sein lui pose un problème idéologique et non uniquement moral. Surtout une attitude qui vise à l’isolement de Marine Le Pen est diagnostiquée par certains “lepénistes“… L’un d’eux évoquant les tensions entre Louis Aliot et certains membres de la direction… »
Aucun nom n’est donné, bien sûr ! Il faut donc s’en remettre au sérieux des auteurs. Il n’y a pas de problème de ce côté-là. Mais on regrette qu’ils n’aient pas jugé utile d’ajouter que ceux qui dénonçait un “lobby homosexuel“ pouvaient avoir des motivations qui ne seraient pas dénuées d’arrière pensées. Il y a toujours des rivalités, plus ou moins vives, au sein des équipes de direction. Au FN comme partout ailleurs. Et il serait vraiment très étonnant que Louis Aliot ait digéré la perte de la place de numéro 2.
Dans une interview donnée aux InRocks, Nicolas Lebourg revient sur l’opposition entre ce “lobby“ et Louis Aliot. A la question, « Pour quelles raisons Marine Le Pen a-t-elle décidé de s’entourer de personnes homosexuelles ? Il répond : C’est une grande question qui a trait à sa psychologie. Marine Le Pen, a à l’évidence, un complexe d’infériorité et ce groupe la rassure, flatte son égo. Ils sont capables de travailler de manière inconditionnelle pour elle. Elle est très valorisée par cette petite troupe. Apparemment, il y a une lutte affective pour elle, son groupe essaye de la monopoliser affectivement, de la séparer de son père et de Louis Alliot. » Et Lebourg ajoute plus loin : « Le FN a un problème politique, la campagne présidentielle a suivi une ligne fluctuante, ce n’était pas très clair… cette absence de ligne politique et la question homosexuelle sont intimement liées. »
Ces révélations sur le “lobby homosexuel“ qui entoure Marine Le Pen profitent-elles à Louis Aliot ? Sans aucun doute. Mais on ne peut pas le reprocher aux auteurs. Il en va ainsi de l’information. Un jour elle fait le jeu des uns et un autre jour elle fait le jeu des autres. Fabrice Thomas
Joseph Beauregard, Nicolas Lebourg. Dans l’ombre des Le Pen. Une histoire des numéros 2 du FN. Nouveau Monde poche. 8 euros.